Coopérative versus Stratup !
« Et si les salariés sauvaient les startups de la faillite grâce aux coopératives ? »
07.11.2022

Même si le titre met l’accent sur la possibilité des salariés de reprendre leur entreprise en coopérative, l’article détaille cependant la « non compatibilité » du statut de SCOP (Société COopérative et Participative) avec le monde des startups… Pourtant, même si le statut de SCOP peut être un frein au modèle de financement classique des jeunes pousses « en mode startup », ce statut contribue indéniablement à la pérennité des entreprises en démarrage.
Pas de SCOP « en mode » startup ?
Pour résumer rapidement, la SCOP est un statut juridique qui vise à favoriser l’accès des salariés au sociétariat. Les grands principes (qui sont très bien expliqués dans l’article de Maddyness) sont : une répartition plus juste des profits, un contrôle démocratique de l’entreprise et enfin des associés majoritaires, tant en nombre de voix qu’en parts sociales, qui sont nécessairement les salariés de la société.
Ainsi, il est difficile pour une coopérative d’être « en mode » startup que je résumerai grossièrement par « travailler dans son garage et manger des pâtes pendant 3 ans pour enfin lever 3 millions d’euros et passer de 3 à 30 personnes en l’espace d’une semaine » (Mu ayant grandi en pépinière d’entreprises, ce genre de situation, même si il est volontairement exagéré, a été assez récurrent autour de nous)… De plus, le statut de SCOP limite la répartition des bénéfices à 33% pour les actionnaires et oblige à reverser minimum 25% de ces bénéfices aux salariés et mettre minimum 16% en réserve pour l’entreprise.
Certes, du point de vue des investisseurs extérieurs, le tableau n’est pas très reluisant et l’offre peu alléchante…pas de contrôle sur l’entreprise et une rémunération en dividendes bridée par les statuts. Pourtant de l’autre côté du miroir, dans la coopérative, ces règles permettent de rendre l’entreprise plus pérenne en impliquant ses salariés, en les faisant monter en connaissance et en compétences pour s’associer à la gestion de leur propre outil de travail… Par ailleurs, une répartition plus équitable des bénéfices permet à la fois de contribuer à l’équité sociale au sein de l’entreprise mais surtout oblige la coopérative à mettre de l’argent en réserve pour s’auto-financer et augmenter sa résilience.
« Et si le statut de coopérative était un élément de pérennisation des startups ? »
Ayant dès sa création choisie le statut de SARL SCOP, la Coopérative Mu, agence éco-conception que j’ai co-fondée avec Anthony, a une « croissance» plus lente qu’une « startup classique ». Après près de dix ans, Mu est composée de 10 salariés impliqués dans la gestion et le fonctionnement de la coopérative, dont 6 sont associés. Notre statut de SCOP et nos convictions nous poussent à travailler tous les jours sur notre mode de gouvernance et à tester de nouvelles choses comme les « primes libres ». Depuis, d’autres entreprises consœurs ont rejoint le mouvement coopératif, je pense à notamment à EVEA et Air Coop.
Mais de façon plus générale et pour revenir au titre de l’article de Maddyness « Et si les salariés sauvaient les startups de la faillite grâce aux coopératives ? », il est à noter que fin 2018, sur l’ensemble des coopératives créées, seulement 10% des créations ont été réalisées suite à la reprise d’une entreprise en difficulté. Ainsi, même si la reprise en SCOP par les salariés d’une entreprise en faillite est plus médiatisée (quelques exemples ici dans un article récent de LCI.fr), la très grande majorité des coopératives créées sont en réalité des créations de nouvelles entreprises. En 2018, 65% des créations de SCOP le sont ex-nihilo. Fin 2018 toujours, le taux de pérennité à 5 ans de ces startups « en mode coopérative » était de 64,3% [1], soit 4,3 pts de plus que la moyenne nationale hors auto-entrepreneurs [2]! Peut-être que le titre du prochain article de Maddyness sur le sujet pourrait-être « Et si le statut de coopérative était un élément de pérennisation des startups ? »
NB : Si la création d’entreprise coopérative vous intéresse, surtout hésitez pas à contacter des coopératives (dont Mu) pour avoir des retours d’expériences. N’hésitez pas non plus à rencontrer le mouvement des coopératives qui est animé par l’URSCOP de votre région.
Pour aller plus loin sur les coopératives : www.les-scop.coop. Pour ma part je tiens à remercier Hervé Naillon pour m’avoir fait découvrir ce statut il y a maintenant près de 15 ans. Merci également à Catherine Van Dahle qui nous a aidés, Anthony et moi, dans la rédaction de nos statuts et nous a partagé son expérience de création de SCOP lorsque nous étions, nous-même, en cours de création.
Merci à tout le mouvement des coopératives et à toutes les coopératives qui nous ont aidés et avec qui nous avons pu partager et coopérer depuis ces nombreuses années !
François-Xavier Ferrari, co-fondateur de Mu
SOURCES
[1] Chiffres du réseau des SCOP en 2018 : https://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/
[2] Chiffres de l’INSEE en 2017 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/version-html/2846566/np_inf_27.pdf).